« Il dormira là-dessous, la tête tournée vers la
mer ; dans ce sépulcre bâti sur un écueil, son immortalité
sera comme fut sa vie, déserte des autres et tout entourée
d’orages. Les vagues avec les siècles murmureront longtemps
autour de ce grand souvenir ; dans les tempêtes elles
bondiront jusqu’à ses pieds, où les matins d’été, quand
les voiles blanches se déploient et que l’hirondelle
arrive d’au-delà des mers, longues et douces, elles
lui apporteront la volupté mélancolique des horizons
et la caresse des larges brises. Et les jours ainsi
s’écoulant, pendant que les flots de la grève natale
iront se balançant toujours entre son berceau et son
tombeau, le cœur de René devenu froid, lentement, s’éparpillera
dans le néant, au rythme sans fin de cette musique éternelle.
[…]
« Le ciel était rose, la mer tranquille et la brise
endormie. Pas une ride ne plissait la surface immobile
de l’Océan sur lequel le soleil à son coucher versait
sa lumière d’or. Bleuâtre vers les côtes seulement,
et comme s’y évaporant dans la brume, partout ailleurs
la mer était rouge et plus enflammée encore au fond
de l’horizon, où s’étendait dans toute la longueur de
la vue une grande ligne de pourpre. Le soleil n’avait
plus ses rayons ; ils étaient tombés de sa face et noyant
leur lumière dans l’eau semblaient flotter sur elle.
Il descendait en tirant à lui du ciel la teinte rose
qu’il y avait mise, et à mesure qu’ils dégradaient ensemble,
le bleu pâle de l’ombre s’avançait et se répandait sur
toute la voûte. Bientôt il toucha les flots, rogna dessus
son disque d’or, s’y enfonça jusqu’au milieu. On le
vit un instant coupé en deux moitiés par la ligne de
l’horizon, l’une dessus, sans bouger, l’autre en dessous
qui tremblotait et s’allongeait, puis il disparut complètement
; et quand, à la place où il avait sombré, son reflet
n’ondula plus, il sembla qu’une tristesse tout à coup
était survenue sur la mer. »
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