De même en enleve le vent

 

 

 

 

Thème de Perec

 

Sans doute pris de remords après avoir écrit un roman lipogrammatique de trois cents pages, La Disparition (1969), sans employer une seule fois la lettre « e »  (la plus utilisée en français), Georges Perec se rachètera auprès de la susdite voyelle, en publiant trois ans plus tard un autre roman, Les Revenentes, où la seule voyelle utilisée — on parle de monovocalisme au sujet d’un tel texte — est le « e », hormis page 81, où l’on peut lire :

« En ce moment, certes, t'es le chef, mets  — beleeve me — ce temps est bref. Ne te presse de me mettre en terre ! »

La présence incongrue de ce « o » est un mystère pour les spécialistes de Perec. Il tend à accréditer la thèse subversive selon laquelle La Disparition contiendrait un « e ». Tous à vos bibliothèques.

De même en enlève le vent est notre modeste contribution à la littérature monovocalique contemporaine.

 

Au passage, notons que si l’idée de La Disparition peut sembler rigolote à première vue, elle le paraît beaucoup moins quand on sait que le « e » disparu, c’est « E », « eux » : les parents disparus pendant la seconde guerre mondiale, son père au front en 1940, sa mère dans le camp de Drancy en 1943.

De même, « je me souviens », c’est moins drôle, moins fantaisiste, quand on le lit à la fin du chapitre XXXV de W ou le souvenir d’enfance :

« Je me souviens des photos montrant les murs des fours lacérés par les ongles des gazés et d’un jeu d’échecs fabriqué avec des boulettes de pain. »

 

 

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