Ce qu'ils pensent du pastiche

 

 

[Ce qu'ils pensent du pastiche]

 

 

Marcel Proust (dans l’article « À propos du style de Flaubert »)

 

 « Pour ce qui concerne l’intoxication flaubertienne, je ne saurais trop recommander aux écrivains la vertu purgative, exorcisante, du pastiche. Quand on vient de finir un livre, non seulement on voudrait continuer à vivre avec ses personnages, avec Mme de Beauséant, avec Frédéric Moreau, mais encore notre voix intérieure qui a été disciplinée pendant toute la durée de la lecture à suivre le rythme d’un Balzac, d’un Flaubert, voudrait continuer à parler comme eux. Il faut la laisser faire un moment, laisser la pédale prolonger le son, c’est-à-dire faire un pastiche volontaire, pour pouvoir après cela, redevenir original, ne pas faire toute sa vie du pastiche involontaire. Le pastiche volontaire, c’est de façon toute spontanée qu’on le fait ; on pense bien que quand j’ai écrit jadis un pastiche […] de Flaubert, je ne m’étais pas demandé si le chant que j’entendais en moi tenait à la répartition des imparfaits ou des participes présents. Sans cela je n’aurais jamais pu le transcrire. C’est un travail inverse que j’ai accompli aujourd’hui en cherchant à noter à la hâte ces quelques particularités du style de Flaubert. »

 

Jean Milly (Les pastiches de Proust)

 

 « Le pasticheur interprète comme une structure des faits redondants du modèle et […] grâce à l’artifice d’un nouveau référent, il reconstruit cette structure plus ou moins fidèlement, selon l’effet qu’il veut produire sur le lecteur. »

 

Jacques Laurent (préface de Dix perles de culture)

 

 « Le critique qui d’une œuvre ténébreuse rend compte ténébreusement est ridicule parce qu’il imite les gestes du matador mais reste sur les gradins. Le pasticheur descend dans l’arène. Il s’est muni de la même cape et de la même épée que le matador dont il veut critiquer le style. Seulement, cette critique, il la fait devant le taureau. […] Si le pasticheur est seulement un imitateur, il périra. On n’imite pas l’invention. »

 

Jean d'Ormesson (Préface à la Petite Anthologie imaginaire de la poésie française)

 

 « Bellaunay n’est pas seulement un pasticheur de très grand talent. Il est lui-même un poète, le plus discret, le plus modeste, le plus charmant des poètes […] On peut lire son anthologie comme un amusement raffiné. On peut s’instruire en la consultant. On peut surtout prendre un plaisir sans mélange à se laisser emporter par le talent exquis de l’auteur. »

 

Michel Déon (interview au Figaro Littéraire, 11 février 1999)

 

 « C’est de la littérature et c’est même une forme de critique littéraire intéressante et révélatrice. On apprend beaucoup sur un auteur lorsqu’il a été bien pastiché, que ce soit par Marcel Proust ou par Jean-Louis Curtis, qui était un maître du genre. Il y a des pastiches de Curtis qui ont démoli certains auteurs. A mes yeux, il avait révélé toutes les ficelles du style de Julien Green. »

 

Jean Dutourd (interview au Figaro Littéraire, 11 février 1999)

 

 « C’est un exercice difficile et enrichissant. Proust ne s’y était pas trompé, qui a commencé sa carrière littéraire par une série de pastiches tellement beaux qu’on dirait des textes originaux. Il a d’ailleurs gardé toute sa vie le goût des pastiches. Celui du Journal des Goncourt inséré au début du Temps retrouvé est absolument merveilleux. Soudain, la voix de Proust se tait, et on entend celle des Goncourt ! »

 

 

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